La République en marche arrière

Emmanuel Macron a décidé de gouverner à coups de 49-3. En seulement 6 mois, le gouvernement Borne aura dégainé huit 49-3 pour faire adopter son projet de loi de finance et de financement de la Sécurité sociale. Il choisit le passage en force, balayant par la même des amendements votés majoritairement par la représentation nationale, comme la taxe sur les superdividendes, 12 milliards d’euros pour l’isolation thermique des logements, 3 milliards d’investissement dans le ferroviaire, un crédit d’impôt pour les résidents d’EHPAD, le rétablissement de l’exit tax pour lutter contre l’évasion fiscale, 200 milliards pour des aménagements vitaux en outremer… Sans compter le torpillage des niches parlementaires de ses opposant.es.

Triste record pour la démocratie.

Pour Élisabeth Borne, refuser de « co-construire » les lois avec LREM signifie « sortir de l’arc républicain ». Dans cette monarchie présidentielle poussée à son paroxysme, les seuls votes légitimes sont ceux avec lesquels le gouvernement est d’accord.

Aidé.es du RN et de la droite, les député·es de la minorité présidentielle se sont également opposé·es à l’augmentation du SMIC, au gel des prix des loyers, au blocage des prix des produits de première nécessité, à l’indexation des salaires sur l’inflation… tandis que le budget de la Sécurité sociale voté ne propose rien face à l’effondrement du système hospitalier.

Dans le cadre du vote de ce budget, Emmanuel Macron en rêvait : reculer l’âge de départ à la retraite, en catimini, à la faveur d’un amendement glissé discrètement. Sa fameuse réforme reportée en 2020 du fait d’une farouche opposition à l’Assemblée et de la crise sanitaire. Mais quand il s’agit de grignoter les droits des plus faibles, Jupiter a de la suite dans les idées. Ce sera donc son prochain forfait : saccager notre système de retraite, affaiblir les plus faibles par le recul de l’âge de départ à la retraite au-delà de 62 ans. Un âge où 25 % des plus pauvres sont déjà morts. Un report à 65 ans, c’est revenir au seuil de 1910 !

Sans soutien populaire, sans mandat populaire, en contradiction totale avec le rapport du Conseil d’orientation des retraites, dans une visée purement idéologique à rebours de plus d’un siècle de progrès social, Jupiter avance à marche forcée. Quoiqu’il en coûte pour le peuple.

Cette brutalité institutionnelle va de pair avec une brutalité et une situation sociale explosive. 10 millions de pauvres, dont la moitié ont moins de 30 ans et parmi eux un tiers d’enfants. Ceux-ci sont les premières victimes de la maltraitance sociale, dès leur naissance. Avec la baisse des températures, la fondation Abbé Pierre alerte : « Il faut quand même qu’on se réveille collectivement, parce que ça veut dire qu’il y a des gens qui vont mourir. » Notre pays compte 300 000 SDF, 42000 enfants à la rue ou en hébergement d’urgence et près de 600 personnes meurent dans la rue chaque année. Chaque soir, près de 6000 personnes appellent le 115 pour obtenir un hébergement d’urgence, en vain. Parmi eux, des centaines d’enfants. En cause, des places d’hébergement d’urgence très insuffisantes et une production de logements sociaux qui n’a jamais été aussi faible ces 20 dernières années. Dans ce contexte dramatique, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, a sa solution : il demande aux hébergeurs de mettre à la rue les personnes sans papiers pour libérer de la place… Darmanin n’est décidément jamais trop « mou » quand il s’agit d’intolérance, de discrimination et d’indécence.

Celleux qui comptent sur la résignation du peuple devraient bien se méfier. La France est un peuple qui ne se laissera pas faire indéfiniment. 2023 pourrait être explosif. Pour la retraite, les premiers rendez-vous sont déjà fixés : le 19 janvier à l’appel des syndicats, le 21 janvier à l’appel de la jeunesse. Soyons à leurs côtés.

Séverine Véziès

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